Quand on pense à la Norvège, on n’imagine pas qu’elle possède des territoires d’outre-mer. Et pourtant, le royaume scandinave dispose de terres à des milliers de kilomètres de ses frontières. Cependant, celles-ci ne sont pas à trouver quelque part dans les Antilles ou en Polynésie, mais dans les eaux froides des océans Arctique et Antarctique. La plupart d’entre elles sont inhabitées, mais abritent toutefois des stations scientifiques régulièrement occupées. Elles permettent également à la Norvège une présence stratégique aux deux hémisphères de la planète.
Le Svalbard

Superficie : 61 022 km²
Population : 2 900 habitants
Capitale : Longyearbyen
Le Svalbard (photo en une) est le seul territoire norvégien d’outre-mer habité en permanence, situé dans l’océan Arctique, à plus de 660 km des côtes norvégiennes et du Cap Nord. C’est un archipel d’une trentaine d’île, dont la plus grande est le Spitzberg (Spitsbergen), avec 39 044 km². C’est sur cette dernière, sur les rives de l’Aventfjord, que se trouve sa capitale : Longyearbyen. Ce village d’environ 2 500 habitants est considéré comme le plus septentrional du monde, à une latitude de 78° nord. Il abrite un hôpital, des écoles, des hôtels, des infrastructures sportives et culturelles et même une université. Le territoire est administré par un gouverneur, ou « sysselmann », qui garantit la souveraineté de la Norvège. Zone stratégique, il permet le contrôle d’une partie de l’océan Arctique ainsi que l’implantation de stations de recherches et d’antennes radio. Il est accessible depuis le continent par des voies aériennes et maritimes régulières.
Découvert à la fin du XVIe siècle par le navigateur néerlandais Willem Batentsz, le Svalbard est exploré au cours du siècle suivant par des marins hollandais. Longtemps base de départ des campagnes de chasse à la baleine et des premières expéditions polaires, il a aussi été convoité pour ses richesses minières. Devenu possession norvégienne, l’archipel dispose toutefois d’un statut particulier qui autorise les citoyens de n’importe quel autre pays d’y résider et exploiter ses ressources naturelles librement. Stipulées d’après un traité signé en 1920, ces règles ont notamment incité des Russes à s’y installer. Deux villes, Barentsburg et Pyramiden, sont le témoignage de leur présence depuis les années 1930. Aujourd’hui, si seule Barentsburg est encore peuplée d’à peu près 400 habitants, Pyramiden est désormais une ville fantôme après qu’elle a été abandonnée en 2000. Les Russes y exploitaient des mines de charbon, dont la dernière est toujours en service à Barentsburg.
L’autre localité encore habitée du Svalbard est Ny-Ålesund, située au Nord-Ouest de Longyearbyen. Cependant, aucun de ses habitants n’est permanent. Il s’agit essentiellement d’une trentaine de scientifiques occupant de façon saisonnière cette ancienne cité minière et menant des recherches sur l’environnement. Elle possède également un musée sur son histoire et attire de nombreux touristes grâce à son port. Le tourisme est d’ailleurs la nouvelle force économique de l’archipel depuis la fermeture des mines. Outre les villes fantômes et les mines abandonnées, la nature exceptionnelle en est l’attraction principale.
Dominé par un climat polaire, le Svalbard est à plus de la moitié recouvert d’immenses glaciers, lesquels s’étendent sur un relief très montagneux. Son point culminant est le Newtoppen, ou pic Newton, à 1 713 m d’altitude. Quant à ses côtes, elles sont très découpées et déchirées de nombreux fjords. Cependant, le courant du Gulf Stream tempère le climat et permet aux eaux de ne pas être prises par les glaces, les rendant navigables presque toute l’année. Aussi, grâce à sa position septentrionale, la nuit polaire dure d’octobre à février, tandis que le soleil de minuit est visible d’avril à août.
De plus, la majorité du Svalbard est protégée par la création de parcs nationaux et de réserves naturelles. De nombreuses espèces d’oiseaux viennent nicher sur son littoral, telles les bernaches, les eiders, les macareux, les guillemots, les pingouins, les mouettes et les goélands. Sur terre, la faune se compose de renards polaires, de rennes du Spitzberg, de campagnols et d’ours blancs. Quant aux mammifères marins, on trouve, entre autres, des baleines, des bélougas, des narvals, des morses et des phoques. Malgré le climat extrême, la flore locale comprend une large variété de plantes en plus des lichens, algues et autres mousses, lesquels forment une végétation rase de type toundra. C’est aussi au Svalbard que se situe la Réserve mondiale de semences (Svalbard globale frøhvelv), une banque conservant des graines de milliers d’espèces végétales du monde entier depuis 2008. Enfin, des sites géologiques ont mis au jour des fossiles de poissons, d’insectes, de coquillages et de plantes préhistoriques, ainsi que des empreintes de pas de dinosaures et des squelettes de reptiles marins.
L’Île aux Ours

Superficie : 176 km²
Population : 10 habitants occasionnels
L’Île aux Ours, ou Bjørnøya en norvégien, se situe dans l’Arctique, au cœur de la mer de Barents, à plus de 400 km au large du Cap Nord. Elle dépend du Svalbard, qui se trouve à 238 km au Nord. Découverte en 1596 par le navigateur néerlandais Willem Barentsz, elle doit son nom à des ours blancs qui nageaient à proximité. La majorité de l’île est constituée de plaines trouées de nombreux lacs, tandis que l’Est et le Sud sont plutôt vallonnés et au littoral escarpé. Le point culminant, le Miseryfjellet, s’élève ainsi à 536 m d’altitude. Mais contrairement aux îles du Svalbard, elle n’abrite pas de glacier.
D’un climat polaire, l’île bénéficie cependant des effets du Gulf Stream, qui adoucit les températures et l’empêche d’être prise par les glaces en hiver. Malgré son nom, les ours polaires n’habitent pas sur l’île, mais peuvent y accéder occasionnellement à la nage et en se laissant dériver sur des plaques de glace issues de la banquise. Les seuls mammifères terrestres présents constamment sont des renards arctiques, tandis que de très nombreux oiseaux marins nichent dans les falaises, comme les macareux, les pingouins, les fulmars, les guillemots et les mouettes.
A partir du XVIIe siècle, l’île a surtout été exploitée par les compagnies maritimes de divers pays comme base pour la chasse au phoque, au morse et à la baleine. Les vestiges d’une ancienne station baleinière des années 1900 sont d’ailleurs encore visibles dans la baie des Morses (Kvalrossbukta). Une mine de houille a également été en activité à Tunheim de 1916 à 1925. Aujourd’hui réserve naturelle, l’île accueille une station météorologique et de radio, située dans sa partie Nord et occupée par une dizaine de personnes. D’autres scientifiques s’y rendent de temps en temps pour des observations ornithologiques et climatologiques.
L’Île Jan Mayen

Superficie : 377 km²
Population : 18 habitants occasionnels
Capitale : Olonkinbyen
L’île Jan Mayen se situe dans la mer du Groenland, au Nord-Est de l’Islande. C’est une île volcanique dominée par le mont Beerenberg, à 2 277 m d’altitude. Comme les volcans islandais, il est toujours actif et recouvert d’un glacier, et émerge depuis la dorsale atlantique, issue de la séparation des plaques américaine et européenne. Il a formé, par des coulées de laves résultant de ses précédentes éruptions, la partie Nord de l’île (Nord-Jan), alors que la partie Sud (Sør-Jan) est un massif montagneux allongé et peu élevé, constitué d’une imbrication de cratères et de dômes volcaniques. Les deux parties sont reliées par un isthme encadré de part et d’autre par une lagune. Enfin, le littoral est majoritairement escarpé, à l’exception de quelques baies.
Soumise à un climat polaire, l’île ressent les influences océaniques qui adoucissent les températures et apportent beaucoup d’humidité atmosphérique. Dépourvue de faune terrestre après la disparition des renards et des ours polaires due à la chasse pour les premiers et au réchauffement climatique pour les seconds, elle abrite en revanche de nombreux oiseaux de mer qui viennent nidifier, tels les eiders, les fulmars, les macareux, les guillemots et les mouettes. Des cétacés, comme les baleines à bosses, les baleines bleues, les rorquals communs, les dauphins à nez blanc et les orques, sont également attirés par des eaux très poissonneuses. Quant à sa flore, elle est formée d’une toundra typique des régions arctiques.
Découverte au début du XVIIe siècle par des marins néerlandais, l’île a été baptisée en l’honneur du premier d’entre eux à l’avoir explorée. Le nom du volcan, le Beerenberg, vient d’ailleurs du néerlandais et signifie la « montagne des ours ». Jamais revendiquée par quelconque nation, elle a longtemps servi de station aux baleiniers et aux trappeurs européens, avant d’être abandonnée. Elle a cependant suscité l’intérêt des Norvégiens, qui l’ont officiellement annexée en 1929. Après l’établissement de diverses stations météorologiques et radio au cours du siècle, notamment au profit de l’OTAN, la dernière en fonction est basée à Olonkinbyen, une petite localité nommée d’après l’explorateur russe Guennadi Olonkine. Moins d’une vingtaine de scientifiques se relaient tout au long de l’année et effectuent quotidiennement des relevés météorologiques.
L’Île Bouvet

Superficie : 49 km²
Population : aucune
L’île Bouvet, ou Bouvetøya en norvégien, est une île volcanique de l’océan Atlantique Sud, située à 1 695 km du continent antarctique et 2 518 km du Cap de Bonne-Espérance en Afrique du Sud. Elle se trouve au niveau de l’extrémité Sud de la dorsale atlantique, laquelle s’étend quasiment d’un pôle à l’autre. Recouverte presque en totalité par un glacier, son point culminant se dresse à 780 m d’altitude à l’Olavtoppen. Seules les côtes Nord et Ouest ne sont pas bloquées par les glaces, mais restent cependant difficiles d’accès. L’île est même la terre la plus isolée du monde, puisque l’autre terre la plus proche, située en Antarctique, est à 1 695 km de distance.
Dominée par un climat polaire, la seule végétation présente sur l’île se traduit par des lichens, des algues et des mousses, poussant sur la seule partie du littoral qui n’est pas recouverte par le glacier. En revanche, on y rencontre sur ses côtes des otaries et des éléphants de mer, ainsi que des oiseaux marins tels que les pétrels, les goélands, les labbes et plusieurs espèces de manchots, dont le manchot à jugulaire et le gorfou doré. Ces derniers, contrairement aux pingouins, ne vivent que dans l’hémisphère Sud et ne volent pas.
Découverte en 1739 par le navigateur français Jean-Baptiste Bouvet de Lozier, l’île a, au cours du XIXe siècle, été à plusieurs reprises aperçue par des marins britanniques qui chassaient le phoque et la baleine. Ce n’est qu’en 1927 que la Norvège prend officiellement possession de l’île après qu’un équipage de baleiniers y a séjourné un mois. Un autre équipage, dirigé par l’explorateur Ola Olstad, y retourne en 1929, puis les aviateurs Hjalmar Riiser-Larsen et Finn Lützow-Holm la cartographient l’année suivante. Devenue réserve naturelle en 1971, une station météorologique automatisée a été installée en 1977 sur le site de Nyrøysa, à l’Ouest de l’île. Enfin, depuis 1996, l’Institut polaire norvégien (Norsk Polarinstitutt) gère sur le même site une petite base scientifique habitée périodiquement, remplacée par une nouvelle en 2014.
L’Île Pierre Ier

Superficie : 243 km²
Population : aucune
L’île Pierre Ier, ou Peter I Øy en norvégien, est une île volcanique située au Sud de l’océan Pacifique, dans la mer de Bellingshausen, au large de l’Antarctique. Émergée à 450 km du continent austral, elle est formée par un volcan recouvert d’un immense glacier et culmine au pic Lars-Christensen (Lars Christensentoppen) à 1 640 m d’altitude. Entourée de hautes barrières de glace, desquelles se détachent des séracs, il est très difficile d’y débarquer.
En janvier 1821, l’explorateur russe Fabian von Bellingshausen est le premier à la décrire et la nomme en hommage au tsar Pierre Ier (1672-1725). En 1927, alors qu’il cherchait de nouvelles eaux pour la chasse à la baleine, le navigateur norvégien Ola Olstad la redécouvre et donne le nom de son employeur au pic qui la domine. Deux ans plus tard, il débarque avec son équipe à Sandefjord Bay (Sandefjordbukta), seul accès qu’il a pu repérer, et y plante le drapeau national. La Norvège en prend alors officiellement possession en 1931. Puis, en 1948, l’expédition norvégienne du MV Brattegg réalise des relevés scientifiques, notamment sur le phytoplancton, qui seront déterminant quant aux connaissances scientifiques sur l’Antarctique.
Malgré de nouvelles expéditions internationales par la suite, l’île demeure principalement inexplorée. En 2010, une tentative d’ascension du pic Lars-Christensen a d’ailleurs échoué à cause des conditions climatiques trop dangereuses. L’île Pierre Ier est le territoire norvégien d’outre-mer le moins connu.
La Terre de la Reine-Maud

Superficie : 2 700 000 km²
Population : 12 stations scientifiques
La Terre de la Reine-Maud, ou Dronning Maud Land en norvégien, est un territoire antarctique revendiqué par la Norvège. Située au Sud de l’océan Atlantique entre 20° Ouest et 45° Est, elle est essentiellement recouverte par l’inlandsis, l’immense glacier qui s’étend sur la grande majorité du continent antarctique. Elle est frontalière à l’Ouest du territoire britannique et à l’Est du territoire australien. En raison du traité sur l’Antarctique signé en 1959, toute nouvelle revendication, ainsi que la militarisation et l’exploitation des ressources naturelles sont interdites. En revanche, les nations ayant déjà revendiqué un territoire maintiennent leur droit d’administration. C’est ce qui permet à la Norvège de considérer cette terre comme sienne.
L’histoire de la Terre de la Reine-Maud remonte aux années 1920 et 1930, lorsque l’homme d’affaires norvégien Lars Christensen finance des expéditions dans l’océan Antarctique à la recherche de nouvelles zones de chasse à la baleine. Après avoir pris possession de l’île Bouvet, au Nord, les Norvégiens souhaitent étendre leur territoire. En 1929, les aviateurs Hjalmar Riiser-Larsen et Finn Lützow-Holm survolent la région et la baptisent en l’honneur de la reine Maud (1869-1938), l’épouse du roi Haakon VII de Norvège. Après de nouvelles expéditions, le royaume en revendique définitivement la possession en 1939.
La géographie de la Terre de la Reine-Maud est relativement semblable à celle du reste de l’Antarctique, avec un vaste plateau d’où se dressent des chaînes de montagnes dépassant les 3 000 m d’altitude, lesquelles sont recouvertes de glaciers. Quant à la faune et la flore, elles se concentrent sur le littoral, dans des zones non couvertes par les glaciers et sur la banquise. Les pétrels et les skuas nichent sur les côtes, tandis que des manchots empereurs forment quelques colonies. Les eaux environnantes sont également fréquentées par diverses espèces de phoques, comme le phoque de Weddell, le phoque crabier ou encore le léopard de mer. Des lichens, des mousses et des algues constituent les seules traces de végétation.
L’Antarctique n’étant habité que par des équipes de scientifiques, la Terre de la Reine-Maud accueille une douzaine de stations de recherche, dont six sont occupées toute l’année. Il s’agit d’une base norvégienne (Troll), allemande (Neumayer Station III), japonaise (Showa), sud-africaine (SANAE), indienne (Maitri) et russe (Novolazarevskaya). Les autres stations ne sont habitées qu’à l’été austral. Leurs sujets d’études portent sur des domaines tels que la biologie, la géologie, l’océanographie, la climatologie ou la glaciologie.
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