Le kos réchauffe l’hiver

Alors que les premières neiges tombent sur la Norvège et l’attirent lentement dans l’hiver, les Norvégiens s’apprêtent à vivre selon ce que l’on appelle le « kos » (prononcez « kouss »). Cette philosophie hivernale de vie, dont il est impossible de trouver un mot en français pour la traduire, se caractérise par le fait de profiter du confort de son foyer lorsqu’il fait froid dehors. A l’inverse du friluftsliv, qui sacralise les activités de plein air en été, le « kos » loue le bien-être que l’on peut ressentir dans un intérieur quand l’hiver s’abat derrière ses fenêtres. De ce nom, est aussi tiré l’adjectif « koselig » et le verbe « kose ».

Pour vivre au mieux l’expérience du « kos », il faut d’abord poser le décor. Un paysage d’hiver, en ville ou à la campagne, tout recouvert d’un épais manteau neigeux. Les lacs et les rivières sont gelés, le vent glacé souffle par bourrasques et le ciel, parfois troué par les rayons du soleil, se pare de nuages grisonnants. Le thermomètre descend sous zéro toute la journée, laquelle plonge déjà dans la nuit dès l’après-midi. La vie tourne un peu au ralenti, bien que le temps soit propice aux sports de glisse. Ainsi, après un tour de ski, rien ne vaut le réconfort que procure un bon foyer.

A l’intérieur, après avoir laissé ses chaussures ou ses bottes pleines de neige sur le palier, l’atmosphère est à la fois chaleureuse et reposante, portée par l’art typiquement scandinave de décorer sa maison, où couleurs claires et décoration épurée se veulent la base. Alors, bien installé au creux d’un fauteuil, enroulé d’un plaid en douce fourrure et les pieds réchauffés dans de grosses chaussettes en laine, on se délecte d’une grande tasse de café ou de chocolat chaud devant le feu crépitant d’un poêle. Sur le rebord des fenêtres, des bougies font vaciller leur flamme, dont la lumière se dédouble dans le reflet des vitres. Chaleur et lumière s’y retrouvent en harmonie, créant un petit cocon de bien-être. Telle est la recette du bonheur simple.

Le « kos », c’est aussi une économie et le monde du commerce l’a bien compris. Par exemple, il existe des boutiques ne vendant que des bougies. De toutes les couleurs, de toutes les tailles et de toutes les formes, elles se déclinent pour satisfaire tous les goûts. Dans les cafés et les restaurants, on peut trouver des plaids mis à disposition des clients sur les chaises ou les banquettes, dans une ambiance agréable et intimiste. Cependant, c’est chez les uns et les autres que les Norvégiens préfèrent prendre du bon temps ensemble plutôt que dans un lieu public.

Dans la culture norvégienne, l’hiver est une saison comme les autres. Ce n’est pas un moment difficile à passer, comme on pourrait le considérer dans d’autres pays. C’est une saison avec ses caractéristiques, différentes des autres, auxquelles il suffit de s’adapter. Elle propose de nouvelles activités avec les petits plaisirs qui vont avec, aussi agréables et savoureux que ceux que l’été peut offrir. Il y a d’ailleurs un dicton qui stipule qu’en hiver : il n’y a pas de mauvais temps, mais que de mauvais vêtements. Une maxime qui en dit long sur la place de cette saison dans les esprits scandinaves.

Par ses conditions, l’hiver pousse à apprécier une vie un peu plus casanière que pendant le reste de l’année. On reste chez soi pour faire de bons petits plats et jouer à des jeux de société en famille ou entre amis. Pour compenser le manque de lumière, on place des bougies ou des guirlandes lumineuses devant ses fenêtres, comme pour amener le soleil dans chaque maison et répandre ses rayons à travers ses vitres. Il n’est ainsi pas rare de voir des luminaires suspendus près des fenêtres plutôt qu’au milieu du plafond. De cette façon, les maisons sont telles des lanternes géantes posées dans la neige, perçant l’obscurité de leurs yeux éclatants.

Concernant la cuisine, en plus des tasses de café ou de chocolat chaud que l’on avale à flots, on confectionne surtout des pâtisseries comme des crêpes (lefser), des roulés à la cannelle (kanelboller) ou des gaufres (vafler). Ces dernières, généralement en forme de cœur, sont plus fines que les nôtres et se dégustent avec de la confiture ou de la crème Chantilly, sans oublier le fameux fromage brun (brunost). L’important étant de se faire plaisir.

Cependant, l’hiver n’empêche pas non plus de sortir. Dès que la neige tombe, les Norvégiens n’attendent qu’une seule chose : pouvoir chausser les skis. Un autre dicton affirme ainsi qu’ils sont nés avec des skis aux pieds. Le pays entier est un domaine skiable et même les villes se transforment en stations de sports d’hiver. Toujours bien équipé pour affronter les conditions climatiques, on part pour une randonnée de ski de fond avant de se reposer autour d’un feu de camp ou bien auprès du poêle d’une cabane, où l’on grille des saucisses plantées au bout d’une branche de bois.

Enfin, l’hiver est également la saison de prédilection pour les saunas et autres bains scandinaves. Après s’être prélassé de longues minutes dans la chaleur de la vapeur sèche ou l’eau chaude d’une baignoire, on se jette dans la neige ou l’eau froide d’un fjord, afin de sentir le choc thermique envahir tout son corps. Bien que ce rituel ne fasse pas l’unanimité chez tous les médecins, il serait bon pour stimuler la circulation sanguine.

Partie prenante du bonheur à la norvégienne, le « kos » se rapproche du « hygge » danois et du « mysig » suédois (pour lequel existe aussi le « lagom »). Parfois traduit par le mot anglais « cozy », qui lui ressemble beaucoup à l’oreille, il ne peut se contenter de ce simple terme. C’est bien plus. Et sa définition s’étend sur toutes les lignes précédentes.

6 commentaires sur « Le kos réchauffe l’hiver »

Votre commentaire

Entrez vos coordonnées ci-dessous ou cliquez sur une icône pour vous connecter:

Logo WordPress.com

Vous commentez à l’aide de votre compte WordPress.com. Déconnexion /  Changer )

Photo Facebook

Vous commentez à l’aide de votre compte Facebook. Déconnexion /  Changer )

Connexion à %s