Roald Amundsen, le maître des pôles

Suite des Destins norvégiens avec un nouvel épisode dédié à l’explorateur polaire Roald Amundsen. Pionnier de l’exploration de l’Arctique et de l’Antarctique, il est rentré dans l’histoire en étant le premier homme à atteindre le Pôle Sud. En tant que figure norvégienne majeure, il a notamment son buste à Tromsø, tout près du Musée Polaire, qui lui rend hommage.

Destins norvégiens, Episode 2 : Roald Amundsen

Roald Engelbregt Gravning Amundsen naquit le 16 juillet 1872 à Borge, près de Fredrikstad, au Sud-Est de la Norvège. Son père, Jens Amundsen, était un capitaine de marine reconverti en armateur, tandis que sa mère, Gustava Sahlqvist, était la fille d’un huissier. Fils cadet, il avait trois frères prénommés Tonni, Gustav et Leon. Cependant, sa mère ne souhaitait pas qu’il s’engageât dans la marine, comme presque tous les hommes de sa famille, et préférait le voir devenir médecin. Pourtant, l’appel du large et de l’aventure semblait trop fort pour le jeune Amundsen, surtout après le retour triomphal en 1889 de son compatriote Fridtjof Nansen, lequel venait de traverser le Groenland à skis.

L’année suivante, malgré son rêve de devenir explorateur polaire, il entama des études de médecine. Il les arrêta en 1893 après la mort de sa mère et des échecs aux examens, puis embarqua sur un bateau de chasse au phoque pour une campagne de six mois dans l’Arctique. En 1896, il s’engagea sur un nouveau phoquier, cette fois-ci en tant que second lieutenant du commandant belge Adrien de Gerlache de Gomery. Rebaptisé le Belgica, ce navire l’entraîna, lui et son équipage, dans une longue expédition vers l’Antarctique.

Parti d’Anvers en octobre 1897, le Belgica accosta la Terre de Graham, à 2 000 km au Sud du Chili, en janvier 1898. Amundsen explora alors la péninsule Antarctique équipé de skis, comme il l’avait fait deux ans plus tôt en Norvège, lors d’une expédition sur le plateau de Hardanger. Fort de son expérience de skieur, il devint le premier homme à utiliser des skis en Antarctique. Dès le mois de mars de la même année, le Belgica fut pris dans les glaces et hiverna pendant six mois au cœur de la banquise. Pour la première fois dans l’histoire, des hommes hivernèrent en Antarctique avant de rentrer en Belgique en 1899.

Après avoir lu le récit de l’explorateur britannique Frederick Jackson Mille jours en Arctique (A Thousand Days in The Arctic) puis étudié le magnétisme terrestre, Amundsen rencontra en 1900 Fridtjof Nansen, avec qui il évoqua son projet de franchir le passage du Nord-Ouest. Son but étant de relier l’Atlantique au Pacifique par l’Arctique et d’ouvrir une nouvelle voie maritime. En 1901, il acheta à Tromsø un bateau de pêche, qu’il renomma le Gjøa et dont il fut le capitaine pour la première fois dans sa carrière de marin.

Parti en juin 1903 avec six équipiers, il vogua vers l’île de Baffin, au Canada. Il la longea par sa côte Nord-Est puis pris la direction du Sud, lorsqu’en septembre, il ancra au Sud-Est de l’île du Roi-Guillaume dans une baie qu’il baptisa Gjøahavn (Gjoa Haven en anglais). Il y hiverna deux ans et en profita pour prendre des mesures scientifiques et côtoyer les Inuits. Comme ce que lui avait enseigné Frederick Cook, médecin et explorateur américain lors de l’expédition du Belgica, les Inuits lui apprirent leurs méthodes de survie ainsi que leurs pratiques traditionnelles, telles que la conduite d’un traîneau à chiens ou la confection de vêtements en peaux.

En 1905, il reprit la mer, longea le littoral Sud de l’île Victoria et atteignit la mer de Beaufort. Le 17 août 1905, le passage du Nord-Ouest fut officiellement franchi pour la première fois. Il hiverna ensuite à King Point, en Alaska, puis rejoignit en traîneau à chiens Eagle Village, à 800 km de la côte, d’où il envoya un télégramme annonçant son exploit. En même temps, il apprit l’indépendance de la Norvège et l’accession au trône du roi Haakon VII, ce qui lui fit dire que 1905 fut une grande année pour son pays.

Il appareilla de nouveau à la fin de l’hiver 1906 pour conclure son voyage, mais sans l’un de ses équipiers, le jeune Gustav Juel Wiik, qui mourut à la suite de complications respiratoires. Enterré à King Point, il est l’un des nombreux explorateurs polaires qui ne revinrent jamais de leurs folles expéditions au bout du monde.

Parcours d’Amundsen (parmi plusieurs routes possibles) lors du franchissement du passage du Nord-Ouest

Mais Amundsen avait encore faim d’aventure et planifia en 1909 une expédition vers le Pôle Nord afin de devenir le premier homme à y poser le pied. Pour cela, il emprunta le navire de Nansen, le Fram. Cependant, son ami Frederick Cook déclara avoir atteint le Pôle Nord le 21 avril 1908, puis ce fut l’Américain Robert Peary, niant les propos du précédent, qui annonça y être arrivé le premier, le 6 avril 1909.

Bien qu’aucune de ces déclarations n’étaient vérifiables, chacun accusant l’autre de mentir, Amundsen préféra se détourner de son projet pour viser le Pôle Sud. Toutefois, il n’annonça officiellement ses nouveaux plans qu’une fois en route vers l’Antarctique. Parmi ceux qui prirent part à l’aventure figurait Helmer Hanssen, un ami de longue date et fidèle officier qui avait déjà franchi le passage du Nord-Ouest avec lui.

En janvier 1911, il accosta en Antarctique par la banquise de Ross, au Sud de l’Océan Pacifique, et y établit son camp de base. En même temps, le Britannique Robert Scott ancra son navire et prépara à son tour son expédition vers le Pôle Sud. Tous deux planifièrent leur parcours lors de l’été austral, avant l’hivernage.

Au printemps suivant, le 19 octobre, Amundsen et quatre de ses équipiers, dont Hanssen, partirent vers leur objectif, se déplaçant avec des skis et quatre traîneaux et accompagnés de 52 chiens. Grâce à des dépôts de ravitaillement faits en amont, ils traversèrent la banquise et arrivèrent au pied d’un glacier, qu’Amundsen baptisa en l’honneur de son mécène Axel Heiberg. Après quatre jours d’ascension, le 21 novembre, ils atteignirent enfin le plateau polaire.

Le 14 décembre, l’expédition planta le drapeau norvégien sur le Pôle Sud, marquant pour la première fois de l’histoire la présence de l’homme sur ce point précis du globe. Elle revint au camp de base le 25 janvier 1912 avec seulement 11 chiens et après un périple de 2 845 km parcourus en 94 jours. Quant à Scott, il atteignit le Pôle Sud un mois après Amundsen et reconnut sa défaite mais périt avec ses hommes sur le chemin du retour. Son échec fut attribué en partie à de mauvais choix comparés à ceux de l’expédition norvégienne, notamment l’utilisation de poneys plutôt que de chiens.

Trajet aller-retour (en rouge) de l’expédition Amundsen au Pôle Sud

Toujours pas rassasié, Amundsen entreprit en 1918 de franchir, dans l’Arctique, le passage du Nord-Est à bord du Maud, un voilier construit pour lui. Ouvert dès 1880 par le Suédois Adolf Erik Nordenskiöld, ce passage lui permit de mener des études scientifiques. En Sibérie, juste avant de passer le détroit de Béring, il recueillit deux petites filles tchouktches de cinq et sept ans, Kakonita et Camilla, lesquelles vécurent dans sa maison en Norvège entre 1922 et 1924 puis rentrèrent chez elles. Lui qui n’avait pas d’enfant était pour elles « grand-père » Amundsen.

Après avoir obtenu son brevet de pilote, il projeta de survoler le Pôle Nord. En 1925, avec l’Américain Lincoln Ellsworth et quatre autres membres d’équipage, il décolla depuis l’île du Spitzberg avec deux hydravions. Or, les appareils durent atterrir en catastrophe avant d’atteindre le Pôle Nord. Au bout de 25 jours de survie sur la banquise, l’expédition revint saine et sauve au point de départ à bord du seul hydravion encore en état de marche.

En 1926, une nouvelle tentative fut lancée, toujours au départ du Spitzberg mais cette fois-ci avec un dirigeable. Conçu par l’ingénieur italien Umberto Nobile, le Norge survola le Pôle Nord le 11 mai 1926 à 1h30 avant de se poser deux jours plus tard en Alaska. Amundsen devint alors le premier homme à avoir atteint les deux pôles, tout comme son compagnon d’aventure, le Norvégien Oscar Wisting.

Après avoir pris sa retraite en 1927 et dilapidé toutes ses économies dans ses expéditions, il écrivit ses mémoires. Cependant, il participa l’année suivante à une mission de sauvetage pour secourir Nobile, dont le dirigeable s’était écrasé au milieu des glaces au large du Spitzberg. Le 18 juin 1928, il embarqua donc à Tromsø à bord d’un hydravion français en direction du lieu présumé de l’accident. Personne ne revit l’engin ni ses occupants. Quant à Nobile, il fut sauvé par un avion suédois une trentaine de jours plus tard. D’après les recherches, l’hydravion se serait certainement abîmé en mer avant même d’atteindre le Spitzberg, quelque part au Nord-Ouest de l’île aux Ours. Ainsi disparut Roald Amundsen.

Lorsqu’il quitta sa maison d’Uranienborg, située près d’Oslo, il ne se douta pas qu’il n’y reviendrait jamais. Aujourd’hui, elle présente aux visiteurs la vie aventureuse de son illustre propriétaire. De plus, le nom d’Amundsen est aussi associé à la station scientifique la plus proche du Pôle Sud (Amundsen-Scott), baptisée en son honneur ainsi qu’à la mémoire de son malheureux rival Robert Scott. La compagnie maritime norvégienne Hurtigruten a également nommé son premier navire à propulsion hybride le MS Roald Amundsen, dont le voyage inaugural partit de Tromsø le 3 juillet 2019.

Enfin, sorti en 2019, le film Amundsen, réalisé par Espen Sandberg, retrace la vie de l’explorateur. Cinquante ans plus tôt, en 1969, dans La Tente rouge du Soviétique Mikhail Kalatozov, c’est Sean Connery qui incarne Roald Amundsen alors qu’il part à la rescousse d’Umberto Nobile. Un acteur mythique pour un destin tragique.

A suivre : Edvard Munch, le cri du peintre

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