Le 17 mai est le jour de la fête nationale norvégienne. Il marque l’anniversaire de la signature de la Constitution d’Eidsvoll, le 17 mai 1814, laquelle a jeté les bases de la nouvelle nation norvégienne qui venait de s’affranchir de la domination danoise. Depuis le début du XXème siècle, la fête du 17 mai, ou « grunnlovsdagen », soit « le jour de la constitution » en norvégien, est une véritable institution à ne pas manquer pour tous les Norvégiens. Ils célèbrent leur pays à renforts de drapeaux et de costumes traditionnels et se rassemblent entre concitoyens ou en famille tout au long de la journée.
En suivant une famille d’un village du Nord de la Norvège, j’ai pu me rendre compte du déroulement des festivités. Scolarisés à l’école du village, les deux enfants font partie de la fanfare (korps) où ils jouent du tambour et arborent l’uniforme bordeaux aux couleurs de leur établissement. Toute la matinée, sous la bannière de leur école, ils parcourent différentes localités de la commune et se produisent devant un petit comité de villageois venus les attendre et assister à un concert privé en plein air. Le père les accompagne, donnant la cadence derrière son tambour et vêtu de son bunad, le costume traditionnel typique de sa région.
A l’approche de midi, le petit cortège revient au village, sur la place devant la salle communale, où plusieurs habitants se rejoignent, s’accostant par des « gratulerer med dagen! », la même formule que l’on utilise pour célébrer un anniversaire, comme pour se féliciter de la naissance de leur pays. Vêtus de tenues traditionnelles ou de costumes de ville bien apprêtés, ils sont accompagnés d’enfants de tous âges, habillés pour l’occasion comme leurs parents. Les écoliers qui ne font pas partie de la fanfare portent fièrement des pancartes qu’ils ont confectionnées eux-mêmes, sur lesquelles ils ont collé des dessins et des drapeaux norvégiens et indiqué leur année de scolarité. Certaines sont même décorées de pompons aux couleurs rouges, blanches et bleues.
La mère, quant à elle, habillée du bunad de la région du Nordland, porté par la plupart des habitants du village, retrouve sa belle-sœur, qui se distingue par un costume différent, celui du Hordaland, en référence aux origines de sa mère, native de Bergen. Elles les ont d’ailleurs toutes les deux hérités de leurs aïeules et les transmettront à leur tour à leurs descendantes. Enfin, son frère arbore également le bunad, optant simplement pour celui du Nordland. De mon côté, afin de me joindre à l’ambiance patriotique, j’ai accroché à gauche de mon pull un ruban constitué de trois bandes de tissu rouge, blanche et bleue. Ce signe est porté par de nombreuses personnes, aussi sous forme de cocarde, au revers de leur veste ou de leur chemise.

Puis, le cortège se remet en route, ouvert par trois grands drapeaux nationaux, suivis eux-mêmes par la fanfare qui rythme le pas en musique. Les villageois grossissent alors le cortège, agitant de petits drapeaux norvégiens et saluant les spectateurs d’un bruyant « hipp, hipp, hurra! » à chaque fois qu’ils en croisent au gré de la joyeuse procession.
Au bout de quelques minutes, le cortège s’arrête devant la maison de retraite du village et la fanfare interprète plusieurs morceaux, dont « Il en faut peu pour être heureux », la chanson de l’ours Baloo dans « Le Livre de la jungle » de Disney, ainsi que l’incontournable « Ja, vi elsker dette landet », l’hymne national de la Norvège. Derrière les vitres de l’établissement, les pensionnaires observent l’évènement, venu rien que pour eux. Puis, après un discours d’un des organisateurs, la parade revient à la salle communale pour la suite des festivités.
A l’intérieur de la salle, plusieurs tables sont dressées, tandis qu’aux murs sont suspendues des guirlandes garnies de fanions aux couleurs du drapeau norvégien. Les convives qui ont payé leur contribution s’y installent par groupes et se servent le café. Ensuite, chacun peut aller au buffet choisir ce qui lui plaît, entre des toasts salés et une large gamme de desserts, tous apportés par les invités. On trouve des gâteaux au chocolat parsemés de paillettes aux couleurs nationales, mais aussi des pavlovas nappées de crème et garnies de fraises et de myrtilles, pour rappeler une nouvelle fois le drapeau norvégien.
A la fin du repas, sont donnés les résultats d’une tombola, où une cinquantaine de lots est distribuée aux convives, lesquels peuvent parfois être surpris par la nature du cadeau qu’ils ont gagné. On offre des bouquets de fleurs à quelques concitoyens pour les récompenser de leurs efforts du jour et on finit par se lever pour chanter de nouveau d’hymne national avant de se quitter.
L’après-midi, entre 15 heures et 16 heures, la famille se réunit une seconde fois dans la maison du frère et de la belle-sœur, rejoint par la grand-mère, pour le dîner. En Norvège, il est habituel de dîner aux alentours de 16 heures. Mais en ce jour spécial, la table est décorée d’un chemin de table aux couleurs du drapeau, lesquels on retrouve encore sur les serviettes ou collés à des cure-dents et plantés dans le pain. L’un des plats que l’on sert à l’occasion est le rømmegrøt, une sorte de bouillie à base de crème fouettée chauffée, de lait et de farine, à laquelle on rajoute du sucre et de la cannelle. Cette préparation consistante et roborative est typique des évènements majeurs de la vie des Norvégiens.
On mange également des hot-dogs faits maison, ainsi que des tranches de saucisson, du jambon et de la viande séchée. Il existe aussi un pain plat, le flatbrød, confectionné sans levain, très fin et craquant, consommé généralement avec de la charcuterie ou d’autres plats plus élaborés. Enfin, le 17 mai est le jour du retour des crèmes glacées, que les enfants attendent avec impatience.
Toute la journée, on voit des drapeaux flotter au fronton des maisons ou en haut des mâts qui se dressent dans les jardins. On les remarque aussi plantés dans des pots de jonquilles, une fleur qui épanouit ses couleurs jaunes en même temps que le printemps s’installe. Comme motivé par le retour du soleil, c’est un jour de gaité, qui célèbre véritablement le peuple, à la fois son folklore et sa jeunesse. La fête nationale norvégienne est une vraie communion populaire, qui réunit tous les habitants d’un pays, qu’importe leurs origines sociales et ethniques, grâce à des symboles civils et citoyens.
