A une heure au Nord d’Oslo, dans la région historique du Hadeland, se trouve un moulin. N’ayant ni aile ni roue à aubes, il est automatisé et installé dans un stabbur, un grenier typique des campagnes norvégiennes. Celui-ci, datant du début du XXe siècle, se caractérise de la plupart des autres stabburs par sa grande taille, puisqu’il est construit sur trois étages. De plus, il est doté d’un clocher que l’on faisait autrefois sonner pour indiquer aux fermiers la fin du travail pour la journée. Aujourd’hui, il abrite un petit moulin, lequel moud différentes sortes de céréales, cultivées de façon biologique sur l’exploitation. On retrouve par exemple du blé de Dalécarlie, une région de Suède, de l’épeautre du Gotland, une île suédoise de la Baltique, ou de l’amidonnier, une des plus anciennes céréales domestiquées par l’homme. Ces céréales rares sont des trésors du patrimoine agricole à préserver, comme l’avoine noire, une variété que la ferme est une des seules à encore cultiver.
Quant au moulin lui-même, il s’alimente en vidant des sacs de céréales dans un manchon, situé à l’étage supérieur. La machine moud ensuite le grain et le trie en quatre farines différentes pour chaque type de céréale. Ainsi, on obtient une farine composée uniquement du cœur du grain, une autre à laquelle est ajouté de l’enveloppe du grain, une troisième avec une teneur en enveloppe plus importante et enfin une dernière composée seulement de l’enveloppe. Appelée également son, l’enveloppe est riche en minéraux et en fibres, et constitue l’élément essentiel des farines complètes.



Cependant, les céréales et la farine ne sont pas la seule production de la ferme. On y cultive aussi une vingtaine de variétés de pommes de terre, ce qui en fait la culture la plus variée de Norvège. Originaires du monde entier, grosses ou petites, rondes ou allongées, à la chair jaune ou violette, il y en a pour tous les goûts. Parmi toutes ces espèces, on trouve la Columbus, une pomme de terre proche des variétés sud-américaines, nommée en l’honneur de Christophe Colomb, le premier Européen à avoir importer la patate sur le Vieux Continent. Mais il y a aussi la Sarpo Mira, une variété hongroise de grande taille, la vitelotte, originaire de France et à la chair violette, ou encore la Blue Congo, commune en Allemagne et en Scandinavie et également à l’éclatante couleur violette. Sans oublier les nombreuses variétés norvégiennes que sont les Jens, Gulløye, Svart Valdres ou Pimpernell.
Pour les planter, quand elles ont déjà germé, on le fait à la main en respectant un écart différent entre chaque tubercule : plus les pommes de terre sont grosses, plus l’écart entre elles doit être grand. Quand elles n’ont pas encore germé et si elles sont assez grosses, on les découpe en veillant à garder un œil par morceau, souvent au nombre de deux ou trois sur chaque tubercule. Cet œil germera et donnera naissance à une nouvelle plante. Les pommes de terre sont ensuite placées dans une machine, attelée au tracteur, qui les plante une par une dans la terre.
Dans le cadre d’une agriculture biologique, on n’utilise pas de pesticides. Il faut donc désherber manuellement afin d’empêcher les mauvaises herbes de concurrencer les jeunes plants de pomme de terre. Un travail long et fastidieux mais indispensable.
Puis, une fois récoltées, les pommes de terre sont entreposées dans de grandes caisses en bois. On les vide ensuite dans une imposante machine, constituée de tapis roulants et de tamis, afin de les trier par taille et par qualité. Les plus grosses sont stockées dans une autre caisse, tandis que les plus petites sont conservées dans de grands sacs en papier. Elles serviront plus tard à être plantées pour donner de nouvelles pommes de terre. Les autres sont destinées à la vente.

D’autres fruits et légumes sont cultivés dans la ferme, dont des fraises, des carottes, des choux, des topinambours et des plantes aromatiques. Dans la serre, se trouve diverses sortes de tomates, ainsi que des concombres et des piments. Afin que les tomates poussent en hauteur et ne s’affaissent pas, des ficelles fixées au plafond de la serre et tendues vers le sol leur sont attachées. La serre, en conservant la chaleur et l’humidité, permet de cultiver plus facilement des plantes qui apprécient un climat plus chaud que celui de la Norvège.
Enfin, on rencontre encore des pommiers, des cerisiers, des pruniers, des framboisiers, des groseilliers et des cassissiers. Tous ces fruits sont transformés en jus ou en confiture et pourront ainsi être conservés toute l’année. Quant aux sureaux, qui prolifèrent autour de la ferme, leurs fleurs blanches sont utilisées pour produire un savoureux sirop, tandis leurs baies noires sont consommées en infusion, ce qui constitue un excellent remède contre les rhumes et autres maux de gorge.




Le Hadeland, où se situe la ferme, est une région historique, au riche passé viking et même au-delà. L’emplacement de la ferme elle-même était déjà connu des Vikings et cité par le poète islandais Snorri Sturluson dans les sagas, des récits scandinaves écrits au Moyen-Age. Aujourd’hui partagé entre les comtés d’Innlandet, d’Akershus et de Buskerud, le Hadeland est une terre agricole, dominée par deux anciens volcans et lovée entre le lac de Randsfjord et l’extrémité Sud de la vallée de Gudbrandsdal. Proche d’Oslo, il est facile d’accès par la route et le train.




Le Hadeland est également célèbre pour deux sites culturels majeurs en Norvège : le Hadeland Glassverk et le musée Kistefos. Le premier est l’atelier de verre soufflé le plus ancien du pays, créé en 1762 par le roi de Danemark Frédéric V. Toujours en activité, ses œuvres d’une qualité remarquable sont très populaires chez les Norvégiens mais aussi les nombreux touristes qui visitent l’atelier. Il est d’ailleurs possible, installé dans des gradins à l’intérieur de l’usine, d’admirer le travail des artisans verriers. On découvre ainsi comment sont fabriqués les vases, les verres et autres figurines.
Associé à des artistes norvégiens et internationaux, l’atelier produit des gammes uniques au monde, disponibles à la vente dans les boutiques de l’usine. Ces dernières sont installées dans ses anciens locaux, de petites maisons en bois désormais reconverties en magasins et en restaurants. On peut donc, en plus du verre, acheter de la porcelaine de Porsgrund (de la ville norvégienne de Porsgrunn), du miel de toutes sortes ou encore des spécialités culinaires locales. Enfin, un musée retrace l’histoire de l’atelier en exposant des productions de plusieurs époques, ainsi que des œuvres en collaboration avec des artistes.




Quant au musée Kistefos, situé non loin du Hadeland Glassverk, il s’agit d’un musée en plein air d’art moderne. Investi dans une ancienne usine de pulpe de bois, il présente une cinquantaine de sculptures d’artistes contemporains internationaux dans son immense parc, ainsi que des expositions temporaires dans les locaux désaffectés de la fabrique. On reconnaît par exemple Fernando Botero, Anish Kapoor, Olafur Eliasson ou bien Tony Cragg.
Fondée en 1889, la Kistefos Træsliberi transformait des troncs d’arbres, acheminés jusqu’à l’usine en les faisant flotter sur la rivière Randselva, en pulpe de bois destinée à la fabrication du papier. Fermée en 1955, elle a été rouverte en 1996 par l’investisseur et collectionneur Christen Sveaas, petit-fils du fondateur de l’usine. Devenue un musée, elle marie le patrimoine industriel à l’art moderne dans l’un des plus grands parcs de sculptures en Europe.
Mêlant art et nature, le musée Kistefos est également célèbre pour sa galerie construite au-dessus de la rivière, appelée le Twist. Conçue par le cabinet d’architecture danois Bjarke Ingels Group, elle se fond harmonieusement dans le décor, ce qui lui a valu plusieurs récompenses. Elle accueille régulièrement les œuvres de différents artistes contemporains du monde entier.




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