Le norvégien est la langue officielle de la Norvège. Langue germanique du groupe scandinave, il se décline en deux formes principales : le bokmål et le nynorsk. Le premier peut être considéré comme la forme standard du norvégien, tandis que le second est issu de dialectes. Mais d’abord, revenons à des origines plus lointaines.
La plupart des mots du vocabulaire norvégien provient du norrois, la langue que parlaient les Vikings. Lui-même issu de racines germaniques encore plus anciennes, le norrois était commun aux populations présentes en Suède, au Danemark et en Norvège. A la suite des conquêtes des Vikings dans les îles de l’Atlantique Nord, notamment aux îles Féroé et en Islande, le norrois s’y est diffusé. Au fil du temps, il a évolué différemment selon le pays où il était parlé, pour donner aujourd’hui le suédois, le danois, le norvégien, le féroïen et l’islandais. Ce dernier étant la langue actuelle la plus proche du norrois. D’ailleurs, on le qualifie souvent de « vieux » pour le différencier de l’islandais, qui lui est resté encore très semblable.
À l’origine, cette vieille langue scandinave s’écrivait dans un alphabet distinct, dans lequel les lettres portent le nom de runes et désignent soit une consonne soit une voyelle. Cet alphabet, dit « runique », était commun à plusieurs peuples germaniques, pas seulement en Scandinavie. On le nomme également « futhark », d’après ses six premières lettres. Petit à petit, suite à la christianisation des Vikings à partir du Xe siècle, l’alphabet runique a été remplacé par l’alphabet latin. C’est sous cette forme du norrois, au XIIIe siècle, qu’ont été écrites les sagas, ces récits médiévaux contant les aventures des Vikings et les légendes de la mythologie nordique.

Toutefois, le norrois n’a pas uniquement influencé les langues scandinaves. Toujours grâce aux Vikings, des mots de leur langue ont intégré en grand nombre le vocabulaire anglais, mais aussi, en moindre mesure, français. Par exemple, on retrouve des racines norroises dans les termes « vague », « écume », « banquise », « hauban », « quille », « hublot », « homard », « crabe », « narval » ou encore « marsouin ». Ces mots ont pour point commun de se référer au monde de la mer et de la navigation, car les Vikings avaient déjà développé un vocabulaire riche sur cet univers qu’ils maîtrisaient parfaitement.
Quant au norvégien d’aujourd’hui, étant donné qu’il en existe deux formes, il a suivi deux voies. La première le fait passer par le danois, qui, comme le suédois, s’est progressivement différencié du norrois en se simplifiant et empruntant de nouveaux mots à d’autres langues. Mais, en 1380, sous le règne de la reine Marguerite Ière, la Norvège est entrée en union avec le Danemark. Seulement dissoute en 1814, après la signature de la constitution norvégienne, cette union a imposé pendant plus de quatre siècles l’emprise du Danemark sur la Norvège. Le danois a d’ailleurs été reconnu comme seule langue officielle dès le XVIe siècle. Alors, à partir de la seconde moitié du XIXe siècle, et tandis que la Suède imposait une nouvelle union aux Norvégiens, la création d’une véritable langue nationale était nécessaire.
La « norvégisation » du danois s’est ainsi révélée à plusieurs auteurs norvégiens, dont le poète Henrik Wergeland et le dramaturge Henrik Ibsen. Il s’agissait d’intégrer à la langue danoise des mots et des tournures grammaticales propres au parler des Norvégiens, puis d’adapter l’écriture à la prononciation. Le premier écrit à user de nouveaux éléments de langage était « Norske folkeeventyr », un recueil de contes populaires norvégiens publié en 1842 par Peter Christen Asbjørnsen et Jørgen Moe. Après plusieurs ouvrages de différents auteurs, c’est en 1889 que le riksmål, soit la « langue du royaume », est enfin né.
En parallèle, la deuxième voie a vu le norrois évoluer au fil du temps, donnant naissance à divers dialectes dans toute la Norvège. Lorsque le moment était venu de créer une nouvelle langue norvégienne, le poète et érudit Ivar Aasen a ainsi eu l’idée de compiler quelques uns des dialectes les plus préservés, notamment ceux parlés dans le Sud-Ouest du pays. En 1853, il a donc créé le landsmål, c’est-à-dire la « langue du pays ». Dès lors, les écrivains Aasmund Vinje puis Arne Garborg ont publié des œuvres dans cette nouvelle langue.
En 1905, à l’indépendance de la Norvège accordée par la Suède, les deux idiomes nouvellement créés ont obtenu chacun le statut de langue officielle. Puis, en 1929, après d’autres réformes orthographiques pour les conformer au vrai parler des Norvégiens et les rendre moins artificielles, le riksmål est devenu le bokmål (langue des livres) et le landsmål le nynorsk (néo-norvégien). Le premier est aujourd’hui largement majoritaire dans l’usage quotidien, puisqu’il est parlé par 80% de la population. Le nynorsk est, quant à lui, utilisé par les 20% restant, principalement dans le Sud-Ouest de la Norvège. Cependant, les divers dialectes subsistent encore et imprègnent régulièrement la langue orale partout dans le royaume.

Que ce soit le bokmål ou le nynorsk, les deux utilisent un alphabet de vingt-neuf lettres. Les trois voyelles supplémentaires sont « æ », « ø » et « å », également présentes en danois. Toutes les lettres se prononcent de la même façon d’une forme à l’autre, sauf le « r », qui est roulé en bokmål mais grasseyé en nynorsk. De plus, on remarque des doublons en passant d’une langue à l’autre, où une ou plusieurs lettres sont souvent remplacées par les mêmes autres. Par exemple, en bokmål, on dit « øst » (est), « rød » (rouge) et « øye » (œil), ce qui devient, en nynorsk, « aust », « raud » et « auge ». De même pour « dyp » (profond), « syk » (malade) et « tykk » (gros) qui deviennent « djup », « sjuk » et « tjukk ». Aussi, les adjectifs finissant en -lig changent leur terminaison en -leg et les verbes réguliers se terminant en -et au participe passé prennent à la place un -a : farlig/farleg (dangereux), tidlig/tidleg (tôt), har laget/har laga (a fait), har elsket/har elska (a aimé)…
De façon générale, le nynorsk est plus proche du norrois que ne l’est le bokmål. Des mots néo-norvégiens ressemblent ainsi un peu plus à des mots anciens, comme « kyrkje » (église), « hovud » (tête), « sjå » (voir), « mykje » (beaucoup), « mjølk » (lait) ou « dykkar » (vos/votre), contre « kirke », « hode », « se », « mye », « melk » et « deres » en bokmål. Certaines règles grammaticales divergent également, telles celles concernant l’accord en genre et en nombre des substantifs ou la marque de la forme pronominale pour les verbes. Toutefois, les deux langues sont suffisamment semblables l’une de l’autre pour qu’elles soient compréhensibles pour chacuns de leurs locuteurs.
Enfin, et qu’importe sa version, le norvégien a également emprunté beaucoup de mots à d’autres langues, dont le français. On peut donc dire « restaurant », « gourmet » ou « crème », mais aussi, avec une orthographe adaptée, « paraply » (parapluie), « parfyme » (parfum), « sjanse » (chance), « majones » (mayonnaise) ou encore « byrå » (bureau). A l’inverse, des mots norvégiens sont entrés dans le dictionnaire français, tels que « fjord », « ski », « slalom », « fart » et « krill ».
Grâce à la proximité de leurs langues respectives, Norvégiens, Suédois et Danois peuvent se comprendre s’ils s’expriment chacun dans la leur. Cependant, si le norvégien et le suédois diffèrent à l’écrit, ils se rapprochent à l’oral, et bien que le norvégien et le danois soient similaires à l’écrit, ils le sont beaucoup moins à l’oral. En revanche, le finnois ayant des racines très éloignées, tout comme les langues samies, il est difficile pour des Scandinaves de le comprendre.
Article premier de la Déclaration universelle des droits de l’homme en norvégien (bokmål et nynorsk) et français :
Bokmål : Alle mennesker er født frie og med samme menneskeverd og menneskerettigheter. De er utstyrt med fornuft og samvittighet og bør handle mot hverandre i brorskapets ånd.
Nynorsk : Alle menneske er fødde til fridom og med same menneskeverd og menneskerettar. Dei har fått fornuft og samvit og skal leve med kvarandre som brør.
Français : Tous les êtres humains naissent libres et égaux en dignité et en droits. Ils sont doués de raison et de conscience et doivent agir les uns envers les autres dans un esprit de fraternité.
Prononciation des voyelles :
a : comme en français
e : généralement « é », sinon entre « é » et « e » en fin de mot
i : comme en français
o : généralement « ou », comme dans « loup »
u : entre « u » et « ou »
y : entre « u » et « i », sinon « y » comme dans « yack » après une voyelle ou entre deux voyelles
æ : entre « a » et « è », un peu comme dans l’anglais « cat »
ø : « eu » comme dans « creux »
å : « o » comme dans « beau », parfois écrit « aa »
Diphtongues
ai : « aï », comme dans l’anglais « my »
au : « eou »
egl : « eïl »
egn : « eïn »
ei/eg : entre « eï » et « aï »
oi : « oï », comme dans l’anglais « boy »
øgn : « euïn »
øy (parfois « øg ») : comme dans le mot « œil »
Prononciation des consonnes :
b : comme en français
c : généralement dans les mots d’origine étrangère
d : comme en français, souvent muet en fin de mot
f : comme en français
g : toujours « gue », mais « y » devant « i », « ei », « y » et « øy », muet après « i » en fin de mot
gj : toujours « y », comme dans « yack »
h : toujours aspiré, mais muet devant « v » dans « hv » et « j » dans « hj »
j : toujours « y », comme dans « yack »
k : comme en français, mais comme un chuintement devant « i », « ei », « y » et « øy »
kj : comme un chuintement
l : comme en français
m : comme en français
n : comme en français
p : comme en français
q : généralement dans les mots d’origine étrangère
r : roulé en bokmål, grasseyé en nynorsk
s : toujours « ss », mais généralement « ch » après un « r » ou devant un « l »
sk : « ch » devant « i », « ei », « y » et « øy »
skj : toujours « ch »
sj : toujours « ch »
t : comme en français, parfois muet en fin de mot
tj : comme un chuintement
v : comme en francais
w : « v », généralement dans les mots d’origine étrangère
x : « ks », généralement dans les mots d’origine étrangère
z : « s », généralement dans les mots d’origine étrangère
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